Selon la Banque Mondiale, la population de l’Afrique subsaharienne était estimée à 1 211 170 180 habitants en 2022. Une population en constante croissante, dont l’une des problématiques les plus importantes est la santé publique dont le marché estimé à 35 milliards de dollars. Qui paye réellement ces factures ?
Déclaration d’Abuja: un leurre?
La déclaration d’Abuja établie en 2001 par les Etats membres de l’Union Africaine est un appel à la mobilisation de plus de ressources des caisses publiques pour faire face aux défis sanitaires telles que les épidémies, le VIH et le paludisme, ceci passant par l’octroi de 15% du budget national pour la santé. Pourtant peu de pays ont atteint cet objectif au cours d’une année donnée. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a déclaré que seuls le Rwanda et l’Afrique du Sud ont atteint 15 %, tandis que la Commission de l’Union africaine a rapporté que seuls six États membres de l’UA ont dépassé le seuil des 15 % – le Rwanda (18,8 %), le Botswana (17,8 %), le Niger (17,8 %), le Malawi (17,1 %), la Zambie (16,4 %) et le Burkina Faso (15,8 %). Les pays africains dépensent entre 8 et 129 dollars par habitant pour la santé, alors que les pays à revenu élevé dépensent plus de 4 000 dollars. Cette situation est due à plusieurs facteurs, mais le plus important d’entre eux est la faiblesse du PIB et de l’efficacité du recouvrement des impôts dans les pays africains, aggravée par la faiblesse des crédits budgétaires alloués au secteur de la santé en raison de priorités concurrentes. Aussi ; l’aide public au développement dans le domaine de la santé a évincé les ressources gouvernementales et créé une dépendance à l’égard des donateurs. La faiblesse de l’exécution budgétaire et le gaspillage réduisent encore les ressources disponibles pour la santé.
Des notions à cerner
Afin de bien appréhender la notion de financement de la santé, il convient de maitriser quelques notions.
La mobilisation des ressources nationales fait référence au financement public à partir de ressources nationales. La mobilisation des ressources intérieures est une sous-composante de la marge de manœuvre budgétaire. Les objectifs généraux cette mobilisation sont d’une part l’augmentation des recettes pour la santé et génération de recettes plus équitables, ce qui implique l’augmentation de la part du budget de l’État allouée à la santé, l’affectation de taxes à la santé et d’autre part la garantie d’une utilisation efficace en mettant l’accent sur le maintien d’une couverture efficace des interventions prioritaires.
La sécurité sanitaire mondiale est définie comme les activités requises, à la fois proactives et réactives, pour minimiser le danger et l’impact des événements de santé publique aigus qui mettent en danger la santé des personnes à travers les régions géographiques et les frontières internationales. C’est un concept qui englobe des activités et des mesures transfrontalières visant à atténuer les incidents de santé publique afin de garantir la santé des populations. Il s’agit d’un paradigme en évolution dans les domaines des relations internationales et des études sur la sécurité”.
Difficultés liées au financement de la santé en Afrique
Le mode de financement d’un système de santé influe sur son administration, la constitution de ses ressources, les prestations de services fournies et la réalisation d’objectifs tels que le bon état de santé, l’aptitude à répondre aux attentes non médicales du public et la fixation de contributions financières équitables. Les pays de la Région font face à un certain nombre de défis majeurs : faiblesse des investissements dans la santé; faiblesse des taux de croissance économique; absence de politiques et de plans stratégiques globaux en matière de financement de la santé; forte proportion des paiements directs de soins; accès financier limité aux services de santé; couverture restreinte par l’assurance maladie; absence de structures de protection sociale des pauvres; mauvaise utilisation des ressources; inefficacité de l’assistance; et faiblesse des mécanismes de coordination du soutien des partenaires au secteur de la santé. Le secteur de la santé publique en Afrique est très peu financé par les Etats, la plupart des subventions proviennent de l’OMS, des institutions internationales de coopération multinationales (AfricaCDC, UE,) ou bilatérales (USA, France), des ONG telles que la Fondation Bill et Melinda Gates.
Sommet de l’African Health Budget Network (AHBN)
Le sommet régional africain pour la société civile et les médias sur le financement de la santé a eu lieu du 15 au 17 août 2023 à Abuja, au Nigéria, organisé par AHBN et la fondation Ford. Durant trois journées intenses, les discussions ont porté sur le renforcement des capacités, l’apprentissage par les pairs et l’échange sur la responsabilité pour la mobilisation des ressources nationales pour la sécurité et les systèmes de santé en Afrique. Y ont pris part des représentants de la société civile et des médias du Cameroun, du Kenya, du Malawi, du Nigeria, de la Sierra Leone, du Sénégal, de l’Ouganda et du Zimbabwe. Des leçons magistrales sur l’analyse et la responsabilité budgétaire dans le cadre de la sécurité sanitaire ont été présentées. De même, les participants ont partagé l’expérience des différents pays sur les mécanismes de financement de la santé. L’événement a mis en évidence la nécessité pour les États africains de diversifier leurs ressources financières dans le domaine de la santé, notamment les ressources domestiques, pour être moins dépendants des organisations internationales et des financements extérieurs.
Quelles perspectives pour le financement de la sécurité sanitaire en Afrique?
Les stratégies visant à faire un meilleur usage des ressources existantes comprennent l’amélioration de la rapidité et du flux des ressources de santé, la réduction de la sous-utilisation du budget de la santé, l’incitation à la productivité et à l’efficacité des travailleurs de la santé et la gestion proactive de l’achat de produits et de fournitures médicales.
Il serait également opportun d’avoir une agence spécialisée qui coordonne les actions concourant à la sécurité sanitaire, regroupant tous les acteurs principaux tels que l’Etat. Comme solution immédiate, l’AHBN finance des initiatives locales dans les pays invités au sommet. L’organisation Action for Development and Empowerment (ADE) accompagnée de Positive Generation conduira un projet ayant pour but de renforcer le plaidoyer pour l’amélioration de la responsabilité financière en matière de sécurité financière à travers l’élaboration des plans d’action, la réalisation d’une étude documentaire, l’élaboration des documents de sensibilisation, la publication de rapports médiatiques sur la responsabilité financière en matière de sécurité sanitaire, le plaidoyer sur la gestion des risques de catastrophes et la production locale de vaccins, Conduire des engagements de plaidoyer et de réunions pertinentes avec des institutions telles que l’OMS, la Banque mondiale et le FMI afin d’améliorer l’accès à l’information sur les finances de la sécurité de la santé.
Le financement de la santé publique en Afrique est une question épineuse à laquelle il convient de répondre. De même, la démographie galopante, les crises sociopolitiques, le changement climatique sont autant de problématiques auxquelles sont confrontées le continent et qui exige d’avoir une stratégie claire pour garantir une sécurité sanitaire effective et une couverture sanitaire universelle optimale.
Hemes Nkwa