Le paludisme est une maladie infectieuse transmise par les piqûres de moustiques infectés par des parasites du genre Plasmodium. Il se manifeste par des symptômes tels que la fièvre, les frissons, les maux de tête, les douleurs musculaires, la fatigue, les nausées, les vomissements et parfois des complications graves comme l’anémie, le coma ou la mort. Le paludisme est une cause majeure de morbidité et de mortalité dans le monde, en particulier dans les pays tropicaux et subtropicaux. Selon le rapport mondial sur le paludisme 2020 de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), il y a eu 229 millions de cas de paludisme et 409 000 décès dus à cette maladie en 2019, dont 94 % en Afrique.
Le Cameroun fait partie des quinze pays les plus touchés par le paludisme, avec 2,9 % de tous les cas de paludisme et de décès dans le monde et 2,4 % des décès dus au paludisme en 2020 ; cela en fait le troisième pays le plus touché d’Afrique centrale (12,6 % des cas en 2020). Les cas suspects de paludisme ont constitué 30 % des consultations médicales et 21 % des visites dans des établissements de santé ont donné lieu à un diagnostic de paludisme confirmé en laboratoire. D’après les statistiques nationales de 2015, 19 % des décès en établissement de santé étaient imputables au paludisme et 48 % de toutes les admissions à l’hôpital étaient dues à une suspicion de paludisme grave. Entre 2017 et 2020, le nombre de cas a augmenté de 3,8 %, passant de 250 à 260 pour 1 000 habitants à risque. Durant la même période, le taux de mortalité a légèrement augmenté de 0,8 %, passant de 0,55 à 0,56 pour 1 000 habitants à risque. Moins de 30 % des enfants qui présentaient de la fièvre ont eu un test de dépistage du paludisme.
Le paludisme est la maladie endémique la plus répandue au Cameroun. Cette maladie est essentiellement due au parasite Plasmodium falciparum ; le moustique Anopheles gambiae s.l. en est le principal vecteur de transmission. Le gouvernement camerounais a fait de la lutte contre le paludisme une priorité, notamment dans sa Stratégie nationale pour le secteur de la santé, ainsi qu’à travers l’adoption de l’exercice de stratification « High Burden to High Impact » (D’une charge élevée à un fort impact) dans le Plan stratégique national de lutte contre le paludisme. L’actuel Plan stratégique national (PSN) du Cameroun pour la lutte antipaludique couvre la période 2019-2023 et constitue la cinquième version d’une stratégie nationale. Le Cameroun est en train de mettre en place les conditions préalables au lancement de la Couverture santé universelle (CSU). Son objectif est de consolider les différents traitements/soins gratuits et subventionnés mis en œuvre dans le pays. La façon dont le paludisme sera intégré à la Phase 1 n’a pas encore été précisée, mais le Programme national de lutte contre le paludisme (PNLP) est impliqué dans le processus d’élaboration de la CSU.
Les aspects de la situation du paludisme au Cameroun
Le paludisme au Cameroun présente plusieurs aspects qui méritent d’être analysés, notamment :
- La répartition géographique et saisonnière du paludisme : le paludisme est présent dans les dix régions du Cameroun, mais avec des niveaux de transmission variables selon les zones écologiques. On distingue quatre zones : la zone forestière, la zone de savane, la zone sahélienne et la zone urbaine. La zone forestière, qui couvre le sud et l’est du pays, est la plus touchée par le paludisme, avec une transmission permanente et intense. La zone de savane, qui couvre le centre, l’ouest et le nord-ouest du pays, connaît une transmission saisonnière et modérée, avec un pic pendant la saison des pluies. La zone sahélienne, qui couvre l’extrême-nord du pays, a une transmission faible et irrégulière, liée aux mouvements de population et aux facteurs climatiques. La zone urbaine, qui regroupe les grandes villes du pays, a une transmission variable selon les quartiers, les conditions de vie et l’accès aux services de santé.
- La résistance aux médicaments et aux insecticides : le paludisme au Cameroun est causé principalement par le parasite Plasmodium falciparum, qui est le plus virulent et le plus résistant aux médicaments antipaludiques. Le traitement de première ligne recommandé par le Programme national de lutte contre le paludisme (PNLP) est l’association thérapeutique à base d’artémisinine (ACT), qui combine un dérivé de l’artémisinine et un autre antipaludique. Cependant, des études ont montré que la résistance aux ACT est en train d’émerger dans certaines régions du pays, ce qui compromet l’efficacité du traitement. De même, les moustiques vecteurs du paludisme ont développé une résistance aux insecticides utilisés pour imprégner les moustiquaires et pour pulvériser les habitations. Cette résistance réduit l’impact des interventions de prévention basées sur la lutte antivectorielle.
- Le fardeau socio-économique du paludisme : le paludisme au Cameroun a des conséquences néfastes sur la santé, l’éducation, le développement et la productivité des populations. Le paludisme est responsable de 35 % des consultations médicales, de 40 % des hospitalisations et de 28 % des décès dans les établissements de santé. Le paludisme affecte surtout les enfants de moins de 5 ans et les femmes enceintes, qui sont les plus vulnérables aux complications et à la mortalité. Le paludisme entraîne également des pertes de jours d’école et de travail, des dépenses de santé et des pertes de revenus pour les ménages et les entreprises. Le paludisme représente ainsi un obstacle majeur au développement économique et social du pays.
Les défis et les opportunités de la lutte contre le paludisme au Cameroun
La lutte contre le paludisme au Cameroun fait face à plusieurs défis, mais aussi à des opportunités, qui peuvent être résumés comme suit :
- Les défis : la lutte contre le paludisme au Cameroun rencontre des difficultés liées au contexte politique, sécuritaire, sanitaire et environnemental du pays. Parmi ces difficultés, on peut citer : la crise anglophone qui affecte les régions du nord-ouest et du sud-ouest, où les violences et les déplacements de population entravent l’accès aux services de santé et la mise en œuvre des activités de lutte contre le paludisme ; la pandémie de COVID-19 qui a perturbé le système de santé et les programmes de lutte contre le paludisme, en réduisant les ressources humaines, financières et logistiques disponibles ; la faiblesse du système de surveillance épidémiologique et entomologique, qui limite la capacité à détecter et à réagir aux épidémies de paludisme et à la résistance aux médicaments et aux insecticides ; le manque de sensibilisation et d’adhésion des populations aux mesures de prévention et de traitement du paludisme, notamment l’utilisation des moustiquaires imprégnées, le recours aux tests de diagnostic rapide et la prise des médicaments prescrits ; la faible coordination et la faible synergie entre les différents acteurs impliqués dans la lutte contre le paludisme, notamment le secteur public, le secteur privé, la société civile et les partenaires techniques et financiers.
- Les opportunités : la lutte contre le paludisme au Cameroun bénéficie également de plusieurs opportunités, qui peuvent être exploitées pour renforcer les interventions et les résultats. Parmi ces opportunités, on peut mentionner : l’engagement politique et institutionnel du gouvernement du Cameroun, qui a fait de la lutte contre le paludisme une priorité nationale et qui a mis en place un cadre stratégique et opérationnel pour orienter les actions ; le soutien financier et technique des partenaires internationaux, notamment le Fonds mondial, l’Initiative du Président des États-Unis contre le paludisme, l’OMS, l’UNICEF, le PNUD, la Banque mondiale, la Coopération française, etc. ; le développement de nouvelles technologies et de nouvelles innovations, telles que les moustiquaires imprégnées de deux insecticides, les médicaments à base de nouvelles molécules, les outils de diagnostic et de surveillance basés sur le numérique, etc. ; la promotion d’une approche multisectorielle et participative, qui implique les différents secteurs concernés par la lutte contre le paludisme, tels que l’éducation, l’agriculture, l’environnement, le développement local, etc., ainsi que les communautés et les organisations de la société civile ; la mobilisation des médias et des réseaux sociaux, qui peuvent jouer un rôle important dans la diffusion des messages de sensibilisation et de plaidoyer sur le paludisme.
Les témoignages de personnes affectées ou impliquées dans la lutte contre le paludisme au Cameroun
Pour illustrer la réalité du paludisme au Cameroun, nous avons recueilli les témoignages de personnes qui ont été affectées ou impliquées dans la lutte contre cette maladie. Voici quelques extraits :
« Je m’appelle Hélène, j’ai 32 ans et je suis mère de trois enfants. J’ai perdu mon premier enfant à cause du paludisme, il avait 2 ans. Il avait de la fièvre, des vomissements et des convulsions. Je l’ai amené à l’hôpital, mais il est mort le lendemain. C’était un choc pour moi, je me suis sentie coupable de ne pas avoir su le protéger. Depuis, je fais très attention à mes autres enfants, je leur fais dormir sous une moustiquaire, je leur donne des médicaments préventifs pendant la saison du paludisme et je les emmène faire un test dès qu’ils ont de la fièvre. Je ne veux plus revivre ce cauchemar. »
« Je m’appelle Jean, j’ai 45 ans et je suis agriculteur. Je cultive du maïs, du manioc et des légumes. Le paludisme est un problème pour moi et ma famille, car il nous rend malades et nous empêche de travailler. Quand je suis atteint de paludisme, je ne peux pas aller au champ, je perds des jours de travail et je gagne moins d’argent. Quand mes enfants sont malades, je dois payer les frais de santé, ce qui réduit mon budget. Le paludisme est une maladie qui nous appauvrit. Je voudrais qu’il y ait plus d’actions pour lutter contre le paludisme, comme la distribution de moustiquaires, la pulvérisation des maisons, la sensibilisation des populations. »
« Je m’appelle Alice, j’ai 40 ans et je suis chercheuse. Je travaille dans un laboratoire, où je mène des études sur le paludisme. Cette maladie m’intéresse, car elle représente un défi scientifique et humain. Le paludisme est causé par un parasite qui évolue et s’adapte en permanence, ce qui rend la lutte contre le paludisme complexe et dynamique. Il faut sans cesse innover et trouver de nouvelles solutions pour contrer la résistance aux médicaments et aux insecticides, pour améliorer le diagnostic et le traitement, pour développer un vaccin efficace et durable. C’est ce que je fais dans mon laboratoire, en collaboration avec d’autres chercheurs nationaux et internationaux. Je pense que c’est un travail passionnant, car il permet de faire avancer la connaissance et la technologie, mais aussi de sauver des millions de vies. »
Elsa CHEPING.