Le changement climatique, ennemi numéro un des personnes atteintes d’albinisme

Les changements climatiques, tels que l’augmentation des températures et l’intensification des rayonnements solaires, ont un fort impact sur les personnes atteintes d’albinisme. Avec l’évolution des changements climatiques, la situation n’est pas prête de s’arrêter. Elle va certainement s’empirer. Revue des difficultés rencontrées par les albinos et plaidoyer.

Le Dr Steve TAMEU, Dermatologue spécialisé sur l’albinisme, définit l’albinisme comme « une maladie génétique héréditaire. Génétique parce que c’est le génome (ensemble du matériel génétique d’un individu). Héréditaire, à cause de la transmission des parents à l’enfant par leur matériel génétique. C’est une maladie à transmission autosomique récessif, dans ce sens que, pour que la maladie s’exprime et pour que le phénotype soit visible, il faut que les deux parents qui sont porteurs du gène albinisme puissent le transmettre à leur enfant. Donc, chose importante et le fait qu’on incrimine généralement l’albinisme à la femme ou juste à l’homme n’a rien à voir, parce que sur le plan scientifique, c’est les deux parents qui doivent transmettre le gène. Et par son caractère récessif, on comprend bien que, sur plusieurs générations dans des familles, il peut ne pas avoir d’albinisme et on croit que ça n’existe pas dans la famille, alors qu’on se transmet le gène de façon récessive de génération en génération et à l’occasion d’un mariage où les deux personnes portent le gène, elles peuvent avoir un enfant albinos ». Autrement dit, pour qu’un enfant soit atteint, il doit recevoir une copie défectueuse du gène de chaque parent. Ni le père ni la mère ne sont seuls responsables de la transmission, et le gène peut rester latent dans une famille pendant plusieurs générations avant de se manifester.

L’impact du soleil sur les albinos

Sans la mélanine qui joue un rôle crucial dans la protection de la peau, les personnes atteintes d’albinisme sont très vulnérables au soleil. Au Cameroun, le problème majeur pour les albinos, c’est qu’il fait très chaud. Cette chaleur n’est pas sans conséquence sur le vécu quotidien des albinos. La vision est affectée par un excès de lumière à cause de la sensibilité accrue des yeux, la peau rougie et se froisse facilement et les boutons se développent à cause des dommages causés par les rayons ultraviolets. « Le soleil m’empêche de bien voir, excès de lumière. Le soleil fait rougir ma peau si exposition et l’abîme même à la longue avec l’apparition des boutons bizarre, la peau se froisse », témoigne Carine ETOUA, une femme atteinte d’albinisme.

Mesures pour se protéger des effets nocifs du soleil

Carine ETOUA décrit les mesures prises pour se protéger des effets néfastes du soleil. Elle limite ses sorties en journée, applique de la crème solaire, utilise un parapluie pour créer de l’ombre, porte des vêtements à manches longues pour couvrir sa peau, et boit beaucoup d’eau pour rester hydratée. Ces pratiques sont cruciales pour minimiser les risques de dommages cutanés et oculaires liés à l’exposition aux rayons UV, particulièrement pour les personnes atteintes d’albinisme qui ont une sensibilité accrue au soleil. « Je sors moins en journée. Et si je dois sortir j’applique la crème solaire, j’ai un parapluie avec moi. Je mets les vêtements à longues manches et je bois beaucoup d’eau », explique-t-elle.

NDEBI Judith, mère des jumeaux atteints d’albinisme présente les mesures qu’elle prend pour protéger ses enfants des effets néfastes du soleil. Elle privilégie les vêtements qui couvrent le corps en raison de contraintes financières qui limitent l’achat de crème solaire. Elle observe que l’exposition au soleil peut fatiguer ses enfants et provoquer des picotements nocturnes, et elle veille à ce qu’ils restent bien hydratés en leur donnant beaucoup d’eau à boire. « Ils ne jouent pas dehors en journée. Ils jouent à l’intérieure et pour jouer, ils attendent que le soleil baisse un peux. Je les couvre, je leur mets les hauts longs manches avec les pantalons et les chapeaux large bord pour les protéger lorsqu’ils partent à l’école. Je n’ai pas assez d’argent pour acheter la crème solaire et je privilégie les vêtements qui couvrent le corps. Quand ils s’exposent souvent au soleil, ça les fatigues et quelques fois la nuit, ils peuvent ressentir des picotements. Je leur donne aussi beaucoup d’eau à boire », explique-t-elle.

Regard de l’expert

Le Dr Steve Tameu, Dermatologue spécialisé sur l’albinisme aborde les différentes formes d’albinisme, en particulier dans le contexte africain et chez les sujets noirs, et explique les implications cliniques de cette condition. « Il existe plusieurs formes d’albinisme, essentiellement l’albinisme oculaire et l’albinisme oculocutanée. Oculaire, quand ça touche les yeux et oculo-cutanée pour les yeux et la peau. Dans le cadre de l’Afrique et des sujets noirs, la forme que nous rencontrons le plus, c’est l’albinisme oculo-cutanée. Ces personnes sont malheureusement vulnérables au soleil dans ce sens qu’elles sont dépourvues d’une enzyme qui intervient dans la fabrication de la mélanine. Donc, elles sont sensibles aux rayons ultraviolets A, B et aux rayons infrarouges qui pénètrent toute la surface de la peau, mais également des yeux aussi. Dépourvu de cette capacité à réfracter les infrarouges et les rayons ultraviolets, tous ces rayons traversent l’œil et ceci entraine toutes les complications oculaires, surtout pour la forte myopie. Il est important pour les albinos de consulter régulièrement leur dermatologue comme leur ophtalmologue », déclare le médecin. Ce qui veut dire que l’albinisme est une condition génétique qui affecte la production de mélanine, rendant les individus particulièrement vulnérables aux rayons UV. L’albinisme oculocutané, le plus courant en Afrique, entraîne des signes visibles sur la peau, les cheveux et les yeux, nécessitant des soins médicaux réguliers pour prévenir les complications.

La meilleure protection, c’est le comportement

Le Dermatologue aborde les mesures de prise en charge pour les personnes atteintes d’albinisme, en mettant l’accent sur la protection contre les rayons du soleil. « La prise en charge est multiple et consiste surtout à se protéger du soleil. La protection va de la protection vestimentaire physique si je peux dire à la protection chimique et par la protection comportementale, parce qu’ils doivent adopter un comportement pour éviter d’être à l’espoir exposé au soleil. La protection vestimentaire passe par le type de vêtements qu’on porte aussi bien des habits à des t-shirts à longue manche pour couvrir les membres des pantalons des casquettes large bord des échappes lorsque c’est possible.  Marcher sous le soleil lorsqu’on ne peut pas éviter avec un parapluie. La couleur des vêtements est importante. Les albinos doivent porter les couleurs sombres comme le noire, le violet, le bleu. Les couleurs sombres bloquent une certaine partie des rayons ultraviolets, tandis que les couleurs claires laissent passer tous les rayons ultraviolets qui arrivent à la surface de la peau. Concernant la protection chimique avec les crèmes solaires, bien évidemment, ils en ont besoin. On doit les mettre en journée sur les parties exposées, c’est-à-dire sur le visage, le cou, le dos, sur les bras, sur les avant-bras, les mains quand c’est exposé. Et on doit répéter l’application tous les 2 heures ou 3 heures de temps. Cette crème ne permet pas de protection à 100% du soleil. Ça permet de réduire l’impact au niveau de la pénétration des rayons ultraviolets sur la peau. Ça veut dire que la meilleure protection chez les albinos c’est le comportement. Il faut éviter les activités en plein jour, en plein soleil, rester au maximum à l’ombre et même si on reste à l’ombre, on met les crèmes solaires parce que les rayons ultraviolets arrivent à l’ombre mais ça réduit. Il faut éviter les activités au soleil et maximum se protéger », explique le spécialiste de l’albinisme. En résumé, la prise en charge des personnes atteintes d’albinisme inclut des mesures vestimentaires, chimiques et comportementales pour se protéger des rayons UV. La combinaison de ces stratégies aide à réduire les risques de dommages cutanés et de complications liées à l’exposition solaire.

Renforcer la relation entre les albinos et les professionnels de santé

Le jeune dermatologue met en lumière les défis de la prise en charge des albinos au Cameroun, notamment la faible fréquentation des consultations dermatologiques, le manque de collaboration interdisciplinaire, l’absence d’associations de soutien et le besoin crucial d’éducation et de sensibilisation des patients. Pour améliorer la situation, il est nécessaire de renforcer la collaboration entre les professionnels de la santé et les associations, tout en sensibilisant davantage les albinos à l’importance des soins réguliers. « La consultation d’albinos au Cameroun, du moins chez moi, moi je suis un jeune dermatologue qui a un an d’exercice, je rencontre très peu d’albinos, mais je dois dire que l’hôpital général, qui est le plus grand centre, je crois, où il y a des dermatologues à plein temps et où on reçoit le plus de patients, malheureusement, on ne voit pas suffisamment d’albinos. Ce n’est pas normal parce qu’on est des médecins censés accompagner au quotidien les albinos. C’est un peu comme un endocrinologue avec les patients diabétiques. On doit marcher main dans la main avec eux, accompagnés des ophtalmologues. Ce n’est pas assez, ce n’est pas suffisant. Les associations qui défendent les albinos et qui les accompagnent, je n’en connais particulièrement pas. Nous sommes ouverts, nous on aimerait travailler avec eux, nous on aimerait les accompagner et surtout leur permettre de garder leur peau belle, une bonne santé. Je consulte certains albinos, malheureusement il y a encore un problème d’éducation, il faut pouvoir leur expliquer qu’on a besoin de les voir avec une certaine fréquence. Ce n’est pas ça, on vient souvent, lorsqu’il y a un problème précis, un problème important », souhaite-t-il.

L’albinos, une personne à part entière

Le Dr Steve Tameu clarifie les idées fausses sur les personnes atteintes d’albinisme et promeut une compréhension et une acceptation plus inclusives. « Sur la conduite à tenir, leur mode de vie, je dois dire que les albinos sont des personnes à part entière comme toi comme moi. En dehors du fait qu’elles n’ont pas de mélanine, elles n’ont aucun autre problème. Il est très important de mentionner cela. L’albinisme ne roule pas avec alimentation. Il n’y a pas de restriction à faire, il n’y a pas d’aliment qui est mauvais pour les albinos ou pas. Non, l’albinos souffre des mêmes maladies que toi et moi. Cette personne peut faire de l’acné, cette personne peut faire du paludisme, cette personne peut faire une gastroentérite si elle mange un produit qui est avarié. Donc, un albinos peut faire une allergie à un produit, à un médicament, à un aliment comme des crustacées, ça ne veut pas dire que tous les albinos sont allergiques à ça. Non, c’est une personne à part entière qui peut faire des allergies comme toute autre être sur la terre. Son seul problème, c’est le fait de ne pas fabriquer ou de fabriquer en faible quantité la mélanine qui n’est suffisante pour les protéger des rayons ultraviolets du soleil. A côté de ça, c’est une personne normale, on doit vivre avec elle et ne pas se soucier. Elles n’ont pas besoin de notre aide, elles ont besoin de vivre avec nous », martèle l’acteur de santé. Sa posture vise à démystifier l’albinisme en soulignant que les personnes atteintes de cette condition sont comme tout le monde, à l’exception de leur sensibilité au soleil due à une production insuffisante de mélanine. Il appelle à une intégration pleine et entière des albinos dans la société sans discrimination ni préjugés.

Les changements climatiques, un défi

Les changements climatiques affectent tous les aspects de notre vie quotidienne, mais chez les personnes atteintes d’albinisme, ils posent des défis significatifs pour la santé, exacerbant les risques liés à l’exposition à la chaleur excessive, et aux problèmes économiques, affectant la qualité de vie en elle-même. Ceci d’autant plus que les changements climatiques s’annoncent de plus en plus intenses avec les années.

Une approche globale et intégrée est nécessaire pour protéger cette population vulnérable, en combinant plusieurs ponts.

Le premier point c’est l’éducation et la sensibilisation. Il est essentiel de sensibiliser les personnes atteintes d’albinisme, ainsi que leurs familles et communautés, aux risques accrus liés au changement climatique.

Le deuxième point est l’accès aux soins et produits de protection. Il faut assurer un accès abordable et constant à des produits de protection solaire et à des vêtements appropriés.

Le troisième point concerne les politiques publiques adaptées. Les gouvernements doivent intégrer les besoins spécifiques des personnes atteintes d’albinisme dans leurs politiques de santé publique et leurs stratégies d’adaptation au changement climatique notamment en matière de sensibilisation.

En outre, il faut miser dans la recherche et l’innovation. Le développement de nouvelles technologies et de produits innovants pour protéger la peau et les yeux des personnes albinos peut faire une différence significative. En prenant des mesures dès maintenant, nous pouvons aider à garantir que les personnes atteintes d’albinisme vivent en sécurité et en bonne santé, malgré les défis posés par un climat en évolution.

Cet article a été réalisé dans le cadre du projet « Media for Climate Action », piloté par Actions For Development and Empowerment (ADE) avec l’appui technique et financier de l’Ambassade de France au Cameroun, de FSPI Transition Écologique et du Conseil Nouveau Sommet Afrique-France.

Andréa Tchuenkam

Posted by Yoheda

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