Élections et santé mentale : un droit en danger

Les périodes électorales sont souvent synonymes de stress, d’anxiété, de psychose, et de tension pour de nombreux citoyens. Pourtant, la santé mentale est un droit fondamental qui devrait être protégé et respecté. Mais qu’en est-il réellement ?

Les élections sont un moment important dans la vie démocratique d’un pays. Les citoyens sont appelés à se prononcer sur l’avenir de leur nation, et les candidats font tout pour convaincre les électeurs de voter pour eux. Mais dans cette course effrénée, la santé mentale des citoyens est souvent négligée, voire bafouée.

Quand la période électorale crée des vulnérabilités nouvelles

Les discours haineux, les propos discriminatoires et les attaques personnelles sont monnaie courante pendant les campagnes électorales. Ces éléments peuvent avoir des conséquences graves sur la santé mentale des citoyens, en particulier ceux qui sont déjà vulnérables. L’anxiété, la dépression et le stress sont autant de problèmes de santé mentale qui peuvent surgir ou s’aggraver pendant cette période. De plus, les médias sociaux qui jouent un rôle essentiel dans la diffusion de l’information et l’expression des opinions, sont également un vecteur de haine et de violence, contribuant à la détérioration de la santé mentale des internautes.

En période électorale, la santé mentale devient un enjeu collectif majeur. Comme le souligne avec justesse le Dr Andréa Tchuenkam, Médecin et Secrétaire exécutif de Youth for Health and Development of Africa (YOHEDA), son absence de protection peut entraîner des dérives préoccupantes : « La santé mentale doit être protégée en période électorale, parce que sans stabilité psychologique : les citoyens votent sous la peur ou la pression ; les débats deviennent des confrontations ; les familles se divisent ; les médias amplifient la tension ; les jeunes sombrent dans le stress, la colère ou la désorientation ; et la démocratie elle-même se fragilise. Assurer la santé mentale, ce n’est donc pas seulement protéger l’individu : c’est protéger la cohésion sociale, le vivre ensemble et la qualité du processus électoral ».

La période électorale agit comme un amplificateur de détresse et dans un tel contexte, le paysage mental est pollué et devient un luxe pour les citoyens. Ainsi, le Dr Andréa Tchuenkam, Médecin tire la sonnette d’alarme. « Les jeunes sont exposés à une avalanche d’informations anxiogènes. Les militants et sympathisants vivent une pression identitaire forte. Les femmes subissent parfois un double fardeau : politique et domestique. Les personnes vulnérables sont davantage affectées par les tensions sociales. Les journalistes et acteurs médiatiques affrontent un stress professionnel important. Dans ce contexte, le droit à un environnement sain mentalement est gravement compromis ».

La santé mentale, un droit fondamental, mis à l’épreuve

La santé mentale est bien plus qu’un enjeu individuel : elle constitue un droit humain fondamental, reconnu par les textes internationaux, régionaux et nationaux. Mais dans le tumulte des campagnes, des tensions post-électorales et des pressions médiatiques, sa mise en œuvre reste fragile. « Dans les textes internationaux, régionaux et nationaux, la santé mentale est reconnue comme un droit humain fondamental. L’OMS le rappelle : « Il n’y a pas de santé sans santé mentale. » Autrement dit, chaque individu a droit à un état de bien-être psychologique lui permettant de faire face au stress, de travailler, de participer à la vie sociale et de prendre des décisions éclairées. Pourtant, en période électorale, ce droit est mis à rude épreuve. Un droit reconnu… mais ignoré dans les faits. La santé mentale fait partie intégrante : du droit à la santé, inscrit dans la Constitution camerounaise ; du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ; de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples ; et des directives internationales en matière de santé publique », reconnait le Dr Andréa Tchuenkam.

« Mais un droit n’a de sens que s’il est protégé, promu et garanti. Or, en période électorale, on observe souvent l’inverse : montée du stress collectif, tensions familiales et communautaires, discours de haine sur les réseaux sociaux, peur, anxiété, incertitude, violences verbales et psychologiques, harcèlement politique ou pressions sociales, surcharge émotionnelle due à l’environnement politique. Autant de facteurs qui fragilisent le bien-être psychique des citoyens… alors même que les élections devraient être un moment d’expression démocratique, pas un moment de traumatisme ou d’épuisement psychologique », ajoute-t-elle.

OSMEC : une initiative citoyenne qui rappelle ce principe fondamental

Face à l’absence d’actions publiques concrètes pour protéger la santé mentale en période électorale, l’organisation Youth for Health and Development of Africa (YOHEDA) a lancé une initiative inédite : l’Observatoire de la Santé Mentale en période Électorale au Cameroun (OSMEC). Ce projet vise à documenter, sensibiliser et proposer des solutions pour préserver le bien-être psychologique des citoyens dans un contexte souvent marqué par la tension et la polarisation. En mettant la santé mentale au cœur du débat électoral, OSMEC cherche à faire évoluer les mentalités et à inscrire durablement cette question dans les priorités démocratiques du pays. « C’est pour répondre à ce manque criant qu’est né OSMEC – Observatoire de la Santé Mentale en période Électorale au Cameroun, une initiative portée par l’organisation YOHEDA. OSMEC vient rappeler que la santé mentale ne doit plus être un sujet secondaire ou un tabou politique. Reconnaître la santé mentale comme un droit, c’est : garantir aux citoyens une participation politique saine ; prévenir les crises et les violences ; promouvoir un climat électoral apaisé ; renforcer la démocratie. La santé mentale n’est pas une option. C’est un droit. Et en période électorale, c’est même un devoir collectif de la protéger », explique le Dr Andréa Tchuenkam, Chef projet OSMEC au sein de YOHEDA.

Il est temps de prendre conscience de l’impact de la période électorale sur la santé mentale des citoyens. Les candidats, les médias et les autorités ont la responsabilité de protéger et de promouvoir la santé mentale des citoyens. Les électeurs doivent également être conscients de leur santé mentale et prendre des mesures pour se protéger. La santé mentale est un droit fondamental qui doit être respecté et protégé. Il est temps d’agir.

Chancelin WABO

Posted by Yoheda

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