En 2022, la région Afrique de l’OMS comptait 94 % de tous les cas de paludisme (233 millions de cas) et 95 % de tous les décès dus au paludisme (580 000 décès). Aussi, près de 78 % de tous les décès dus au paludisme dans la région concernaient des enfants de moins de 5 ans. Le Cameroun quant à lui présentait 2,6% des cas et 2,1% des décès liés au paludisme. Données et tendances régionales: Rapport 2023 sur le paludisme dans le monde (who.int)
Afin de lutter efficacement contre ce fléau, l’OMS recommande plusieurs méthodes préventives telles que la lutte antivectorielle, l’utilisation de moustiquaires imprégnées à longue durée d’action, la chimioprophylaxiepréventive et la gestion des cas. La dernière recommandation en date est le vaccin antipaludique.
Le 22 janvier 2024, le Cameroun a introduit le vaccin contre le paludisme dans la vaccination de routine après avoir reçu 331.200 doses du premier vaccin antipaludique recommandé par l’OMS, le RTS-S. Cette livraison, une première dans un pays n’ayant pas encore participé au programme pilote de vaccin contre le paludisme.Le vaccin antipaludique recommandé par l’OMS arrive au Cameroun | ONU Info
Sur les réseaux sociaux, le vaccin fait déjà l’objet de nombreuses théories complotistes et fausses informations, qui rappelle l’épisode covid-19 il y’a quelque temps.
Afin d’y voir plus clair, nous démêlons le vrai du faux en 3 points.
A. Le vaccin contre le palu n’est pas nécessaire car plus de 100 pays ont réussi à éradiquer le paludisme sans vaccins, dont une dizaine en Afrique
Sur le réseau social X (ex Twitter), le 24 novembre 2023, Nathalie Yamb, femme politique poste: “plus de 100 pays ont réussi à éradiquer le paludisme sans vaccins, dont une dizaine en Afrique, mais au Cameroun, les responsables de la santé publique préfèrent se réjouir d’administrer les merdes sponsorisées par Bill Gates et son Gavi à nos enfants.” Ce tweet a obtenu plus de 171 000 vues.
Ce qui n’est pas tout à fait vrai car, si de 1955 à 2023, 104 pays ont été déclarés exempts de paludisme ou celui-ci a disparu sans effort spécifique, seulement 4 pays africains figurent sur cette liste, notamment l’Algérie, le Lesotho, Maurice et Seychelles. Programme mondial de lutte contre le paludisme (who.int).Programme mondial de lutte contre le paludisme (who.int). Cependant, selon le rapport mondial sur le paludisme de 2023, au niveau mondial, le nombre de cas de paludisme est estimé à 249 millions en 2022 dans 85 pays et territoires d’endémie palustre.9789240086173-eng.pdf. A cet effet, toutes les mesures sont nécessaires pour venir à bout de ce problème majeur de santé publique. Les prévisions estiment que les interventions actuellement en place au début de la vaccination restent à des niveaux statiques.Public health impact and cost-effectiveness of the RTS,S/AS01 malaria vaccine: a systematic comparison of predictions from four mathematical models (thelancet.com). Depuis la recommandation de l’OMS pour l’utilisation du RTS,S en octobre 2021, au moins 28 pays de la région africaine de l’OMS ont exprimé leur intérêt pour l’introduction du RTS,S dans leur pays. 18 millions de doses du tout premier vaccin antipaludique seront disponibles pour 2023-2025 dans 12 pays. 9789240086173-eng.pdf
Le coût d’une dose de vaccin contre le paludisme est estimé entre 2 et 10 USD. Public health impact and cost-effectiveness of the RTS,S/AS01 malaria vaccine: a systematic comparison of predictions from four mathematical models (thelancet.com). Pour savoir, s’il a une plus-value, il faut calculer le rapport coût-efficacité qui est le rapport d’un intrant à un produit, établissant le lien entre les ressources utilisées et les résultats obtenus, un critère important pour l’évaluation de la réussite des politiques gouvernementales.Rapport coût-efficacité | Panorama des administrations publiques 2021 | OECD iLibrary (oecd-ilibrary.org). Dans ce cas, un impact significatif sur la santé publique et un rapport coût-efficacité élevé pour le vaccin RTS,S/AS01 dans un large éventail de contextes sont relevés dans une étude parue dans la revue The Lancet en 2016. Public health impact and cost-effectiveness of the RTS,S/AS01 malaria vaccine: a systematic comparison of predictions from four mathematical models (thelancet.com). Les données issues de l’évaluation de l’introduction du vaccin antipaludique RTS,S/AS01 en phase pilote révèlent que le vaccin a réduit la mortalité, toutes causes confondues de 13 % et permet de réduire de 22 % le nombre d’hospitalisations pour les formes graves de paludisme chez les enfants éligibles au vaccin. Vaccin pilote RTS,S : une réduction de 13 % de la mortalité alimente l’espoir d’un contrôle du paludisme | Gavi, the Vaccine Alliance Dr Nicole Fouda, épidémiologiste au bureau pays OMS Cameroun explique: “Les avancées technologiques sont un atout majeur dans la lutte contre le paludisme. C’est une réelle victoire d’avoir le vaccin qui permettra de réduire le nombre de cas et de décès des enfants dans nos pays. C’est un nouvel outil dont on ne saurait se priver.”
B. L’OMS vient d’homologuer un nouveau vaccin découvert par des chercheurs burkinabés, qui affiche une efficacité de 77%.
« L’OMS vient d’homologuer un nouveau vaccin découvert par des chercheurs burkinabés, qui affiche une efficacité de 77%. Cette décision soulève des interrogations quant à la précipitation avec laquelle le vaccin RTS est distribué en Afrique, malgré les réserves exprimées par des chercheurs et scientifiques indépendants». Peut-on lire le 24 novembre 2023 sur le compte X de Egountchi Behanzin, activiste politique qui s’insurge contre la vaccination dans une série de tweets.
Une affirmation qui n’est pas vraie.
Depuis le 2 octobre 2023, les vaccins RTS, S/AS01 et R21/Matrix-M sont recommandés par l’OMS pour prévenir le paludisme chez les enfants. Les vaccins antipaludiques doivent être administrés selon un schéma à 4 doses aux enfants à partir de l’âge de 5 mois.Vaccins antipaludiques (RTS, S et R21) (who.int). R21/Matrix-M n’est pas découvert par des chercheurs burkinabè, mais développé par l’Université d’Oxford et le Serum Institute of India. Les essais cliniques effectués sur 4 800 enfants au Burkina Faso, au Kenya, au Mali et en Tanzanie. Le 21 décembre 2023, il a reçu le statut de préqualification de l’OMS, ce qui signifie qu’il est sur le point d’être déployé dans les populations les plus à risque.Le vaccin antipaludique R21/Matrix-M™ hautement efficace mis au point par l’Université d’Oxford et le Serum Institute of India a reçu le « sceau d’approbation » de l’OMS | Université d’Oxford. Il est donc le 2ème vaccin à obtenir ce statut. Les doses du vaccin antipaludique R21 devraient parvenir aux pays dès la mi-2024.
100 millions de doses pour la première année, qui passeront à 200 millions de doses (par an) au cours des deux prochaines années.
S’il est vrai que l’efficacité du vaccin R21/Matrix-M sur 12 mois chez les enfants âgés de 5 à 36 mois était de 75 % dans les sites où la transmission du paludisme saisonnier était élevée et de 68 % dans les sites où la transmission pérenne était plus élevée Efficacité d’un candidat vaccin antipaludique à faible dose, R21 dans l’adjuvant Matrix-M, avec une administration saisonnière à des enfants au Burkina Faso : un essai contrôlé randomisé – The Lancetcomparativement au vaccin RTS.S dont l’efficacité de 56 % sur 12 mois chez les enfants africains, les données d’efficacité au-delà de 6 mois sont limitées. À l’heure actuelle, il est difficile de comparer l’efficacité des vaccins R21 et RTS,S.Éditorial : État actuel de deux vaccins antipaludiques avec adjuvant et stratégie de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) pour éradiquer le paludisme d’ici 2030 – PMC (nih.gov)Rien n’indique à ce jour qu’un des vaccins est plus efficace que l’autre.Vaccinsantipaludiques (RTS, S et R21) (who.int)
Bien que ces 2 vaccins soient les seuls en 2023 à être pré-qualifiés depuis plus de 30 ans, 89 vaccins antipaludiques sont actuellement en cours de développement clinique, avec 153 essais de vaccins contre le paludisme achevés ou lancés depuis 2002.Examen par l’OMS de la mise au point clinique d’un vaccin contre le paludisme (who.int)
C. Le vaccin RTS.S est dangereux pour les enfants
Pour Nicole Delepine, oncologue pédiatre, « Les vaccins contre le paludisme sont peu utiles et non dénués de risques. Attention nouvelle alerte sur un vax non efficace et dangereux en particulier chez les petites filles. »
Aussi, la résistance aux vaccins n’est pas nouvelle. Les anti-vaccins dans l’histoire, deux siècles de méfiance – Capital.fr. Elle existe depuis la création du premier vaccin efficace au monde contre la variole en 1796. Vaccination : une longue histoire (unric.org)
Plusieurs réserves sont émises quant aux vaccins.
Dans une étude publiée en août 2023, des chercheurs du Danemark, de la Suède et des Phillipines concluent: “l’impact allégué du programme de mise en œuvre d’un vaccin contre le paludisme (MVIP) mis en place par l’OMS sur la mortalité n’est pas basé sur des preuves scientifiques suffisantes et que les résultats du MVIP n’excluent pas la possibilité d’une augmentation de la mortalité chez les filles vaccinées par rapport aux garçons vaccinés, comme observé dans les études de phase 3.” Ils préconisent une évaluation rigoureuse du déploiement du vaccin, en particulier de son innocuité.Le vaccin antipaludique RTS,S/AS01 s’est avéré sûr et efficace ? – PubMed (en anglais seulement) (nih.gov)
Aussi, Renaud Piarroux Professeur à Sorbonne Université, spécialiste des épidémies, explique: “Le paludisme est une maladie peu immunisante dont il est difficile de développer un vaccin. Les derniers essais de la vaccination montrent des résultats peu mirobolants. Les enfants qui sont vaccinés ont tendance à faire plus tard des formes graves de paludisme. La 1ère version du vaccin RTS.S est très modestement efficace.” Mécaniques des épidémies, saison 5 : le paludisme : un podcast à écouter en ligne | France Culture (radiofrance.fr) (épisode 4)
En matière de lutte contre le paludisme, toutes les mesures sont synergiques : la moustiquaire imprégnée, le dépistage, le traitement précoce, la chimioprophylaxieintermittente, l’élimination des eaux stagnantes. Ce sont les outils de base. Le vaccin est une arme supplémentaire. Car même si le tableau général s’est amélioré au cours des dernières décennies, le paludisme reste un problème majeur de santé publique en Afrique.Vaccin contre le paludisme: trois infectiologues commentent l’annonce de l’OMS (rfi.fr)
Hemes NKWA
Ma seule question c’est pourquoi les autorités camerounaises mettent de l’argent et des efforts dans ce vaccin mais laissent prospérer l’insalubrité partout dans le pays. Je doute que le vaccin ait vraiment de l’effet, à moins que ce soit sur le très long terme sachant que la cible, ce sont les nourrissons.
Entre temps les populations continueront à subir les effets du paludisme. On finit par se demander où est l’intérêt des gouvernants
Vos préoccupations sont tout à fait fondées. En effet, le vaccin est un moyen de lutte parmi plusieurs autres contre le paludisme. Et ne saurait remplacer ceux-ci. Cependant, pour une maladie comme le paludisme qui est une des premières causes de mortalité en Afrique et au Cameroun, tous les moyens sont bons pour lutter contre.